L’ancienne église de Curtille
Bâtiment du culte jusqu’en 1837
Propriété privée, elle a conservé son chœur gothique et une chapelle latérale Saint Jean baptiste et sainte Hélène avec enfeu, qui relevait en 1605 de la présentation de la famille Yvus. Elle a longtemps servi de remise ou d’étable et son état est déplorable. Son portail d’entrée en tiers point est du XIIIème siècle. On a replacé dans l’église actuelle des boiseries datant du XVème siècle qui en proviennent : des panneaux de bois sculptés qui ont orné la chaire à prêcher dont deux portent les armes de Sébastien d’Orlyé, prieur d’Hautecombe dans le dernier quart du XVème siècle sous la duchesse Yolande de France sœur de Louis XI, dont le frère Antoine, haut personnage à la cour de Savoie, finit sa carrière comme gouverneur de Nice. Ces boiseries ont été classées AOA en 1922.
En 1731, la paroisse, qui réunit Saint Pierre de Curtille et Conjux, avec sa chapelle gothique du XVème siècle, compte 80 communiers ou chefs de famille. L’église reste paroissiale jusqu’en 1837 bien que déjà interdite en 1833 par l’archevêque de Chambéry en raison de sa petitesse et de sa vétusté.
Dans une lettre écrite le 29 juillet 1844, le Sieur Antoine Poguet, alors curé de la paroisse écrivait au Sieur Guigue Claude, alors Syndic de la commune, qu’il avait lu dans les vieux registres de la paroisse, qu’au début du XVIIIème siècle, c’étaient les révérends pères d’Hautecombe qui avaient à leur charge l’entretien de cette petite église de Curtille. C’est ainsi qu’en 1760 ils ont refait à neuf le toit et le sanctuaire.
En 1793, les biens de l’église étant soit confisqués, soit vendus, la petite église devint la propriété de la commune. Après avoir fait partie du département du « Mont Blanc », (époque où l’abbaye était transformée en faïencerie), les habitants de St Pierre allaient redevenir sujets sardes, le roi Victor- Emmanuel reprenant ses états en 1815.
Entre 1792 et 1815, les bois de l’ancienne abbaye avaient été repris par les communiers, le château de Pomboz d’abord confié aux héritiers de Roux était vendu par les domaines.
Trois prêtres sont enterrés dans le cimetière du Val de Crêne : le Rd Jacquier en 1675, le Rd Gathier en 1760 et le Rd Berthet en 1804.
En 1820 le Sieur Thomassier Pierre, alors Syndic de la commune, fit dresser un devis par un entrepreneur de Yenne, Gaêtan Pellégrini, pour réaliser d’importantes réparations dans cette petite église de Curtille.
Il était devenu nécessaire de refaire à neuf le plancher de la tribune et de réparer une partie de celui de l’église : on devait changer 31 mètres carrés de plancher en 3 cm d’épaisseur, il fallait refaire la balustrade de l’escalier de la tribune, faire deux couches de blanchissage au lait de chaux et à la colle sur les murs. Il était également prévu de repeindre en gris les soubassements ainsi que de passer en jaune la voûte de l’église. Un autel en stuc devait remplacer l’autel alors en très mauvais état. Le toit était lui aussi à réparer et le devis prévoyait le remplacement de toutes les tuiles. Des travaux s’avéraient également nécessaires dans le Presbytère et l’ensemble représentait la somme très importante de 820 Livres sardes. Un mur de clôture était également prévu autour du cimetière afin d’empêcher les bestiaux d’y pénétrer.
Nous savons par la tabelle de Curtille qu’en 1732 le curé s’appelait Jacques Bochardy, par contre nous ne savons pas qui était le curé avant l’arrivée vers 1835 de Antoine Poguet. Peut-être l’église est elle restée un temps sans desservant, ce qui pourrait expliquer son très mauvais état d’entretien en 1820.
En 1821 les habitants de St Pierre de Curtille étaient à nouveau des sujets sardes depuis plus de 5 ans. Leur curé dans ces dures années n’avait même plus de chasuble ni de surplis pour servir convenablement la messe. Le conseil décida une dépense pour ces articles, ainsi que celle d’un tableau de St Pierre, patron de la paroisse, qui fut placé derrière l’autel.
L’année précédente (1820) , le curé avait commencé à l’économie et avec l’aide de paroissiens, la construction d’une sacristie contre la petite église. Une porte fut percée donnant accès à l’église.
Le Conseil et son Syndic n’imaginaient pas alors qu’une dizaine d’années plus tard l’on parlerait de construire une autre église. Il faut également rappeler qu’à l’époque, la commune de Conjux participait pour un tiers ou un quart aux dépenses car l’administration des Sacrements se faisait pour les deux communes dans l’église de Curtille, celle de Conjux n’étant qu’une chapelle de dévotion.
Le presbytère de Curtille, lui aussi en mauvais état, fut endommagé dans son angle Nord-Ouest par le tremblement de terre du 19 juillet 1822.
En 1824, le curé Georges, s’y croyant relégué en punition, commit quelques dégradations par esprit de vengeance. Il détruisit le muret servant de table de communion, le plancher de la tribune et l’autel du Rosaire dont le massif faisait office de mur, ouvrant une brèche dans l’édifice.
En 1827 on décidait de réparer le petit toit du clocher car il pleuvait à l’intérieur…
Dix ans plus tard, en 1833, lors d’une visite Pastorale qu’il fit à St Pierre de Curtille, Monseigneur l’Archevêque du Diocèse de Chambéry menaça de lancer un interdit sur l’église de Curtille du fait de sa vétusté et de son excessive petitesse pour recevoir les populations de St Pierre de Curtille et de Conjux.
Une lettre du Comte Colombian, datée du 4 septembre 1833 faisait savoir au Conseil de Saint Pierre de Curtille que « lors d’une promenade qu’elle fit à Curtille, Sa Majesté la Reine Marie-Christine avait visité cette petite église et ayant remarqué l’état d’indigence où elle se trouvait. Elle s’était déterminée par un effet de ses grâces, à contribuer à la construction d’une nouvelle église pour une somme de sept mille Livres sardes et chargeait le Chanoine Mélano, son architecte, de se concerter avec Monseigneur L’Archevêque pour tout ce qui concernait la construction de la nouvelle église.
Sa Majesté Marie Christine ne mit d’autres conditions à ce don généreux que la célébration d’une messe-basse une fois par mois et l’entretien d’une lampe ardente devant le Saint Sacrement.
Alors Syndic, le Sieur François Bertrand et ses conseillers ne purent qu’accepter, vu l’offre, de construire une nouvelle église, celle-là même dont la restauration intérieure a été fêtée lors de la messe de Pentecôte du 31 mai 1998, messe co-célébrée par l’évêque de Chambéry Monseigneur Feidt assisté du curé de la paroisse, le père Vincent Pouchoy, accompagné de l’abbé Jacques Roux, originaire de St Pierre de Curtille et de deux prêtres de la Communauté du Chemin Neuf à Hautecombe dont Jean Michel Bernier également membre du Conseil Municipal de Saint Pierre de Curtille.
Dès août 1832 les habitants offraient gracieusement un terrain en situation centrale, lieu-dit « Le Paradis » et en 1833 le conseil décida de voter une somme de 600 Livres et qu’il en serait de même les années suivantes, de façon à obtenir les ressources nécessaires. En 1834 on mit en vente d’importantes coupes de bois.
A partir de cette date, les fidèles durent supporter l’inconfort de la petite église du hameau de Curtille dont les réparations furent stoppées. La nouvelle église sera située au lieu-dit « Le Paradis », utilisée dès 1838, sa finition dura jusqu’en 1841.Pour que les charges financières de la commune pour la construction de la nouvelle église ne soient pas trop lourdes, le curé Antoine Poguet décida de faire construire le nouveau presbytère à ses frais, du fait de la vétusté et aussi de l’éloignement du vieux presbytère par rapport à l’emplacement de la nouvelle église.
En 1838,avec l’avis favorable de Monseigneur l’Archevêque du diocèse de Chambéry, les Conseils de Syndics de Conjux et de St Pierre de Curtille décidèrent l’aliénation de l’ensemble des anciens bâtiments du culte et des parcelles s’y rattachant, représentant en 1838, de bâti et non bâti, une surface d’un journal et 16 toises et un pied, réparties comme le définit le tableau ci-dessous :
N° de la Mappe : Nature des Biens Nom du lieu Contenance
2117 Eglise + cimetière Curtille 88 toises 1 pied
2718 Jardin ‘’ 85 ‘’ 1 pied
2719 Presbytère ‘’ 33 ‘’ 1 pied
2721 Broussailles ‘’ 209 ‘’ 6 pieds
En ce qui concerne l’Eglise et le cimetière ( 88 toises) cet ensemble fut vendu aux enchères en 1838 mais, comme la révolution était déjà loin, les gens de notre campagne ne voyèrent pas d’un très bon oeil que l’on se servit d’un ancien bâtiment du culte comme bâtiment agricole.
…Personne ne participa à ces enchères, et… le curé Antoine Poguet acheta l’ancienne Eglise de Curtille . Lorsque la nouvelle église fut terminée, le curé Poguet proposa de céder sa maison – presbytère situéE au lieu-dit « Paradis Eglise » vers la nouvelle église.
Les Conseils de Syndics de Conjux et de Saint Pierre de Curtille demandèrent au Sieur Intendant Général de la Savoie de les autoriser à acheter au Sieur Poguet Antoine le bâtiment du presbytère, au prix qu’il réclamait, et de donner son approbation concernant l’acte d’achat, par le curé Antoine Poguet des anciens bâtiments.
Ces anciens bâtiments du culte avaient été achetés 2000 livres par le curé Poguet, somme due aux deux communes et qu’ il proposait de déduire du prix de vente du nouveau presbytère si la commune désirait de l’acheter.
Pour résumer le curé Poguet proposa maison neuve ( nouveau presbytère du Paradis) aux communes de Conjux et de Saint pierre de Curtille pour la somme de 6500 livres sardes. Il ramena même le prix à 6000 livres dont les trois quarts devaient êtres à la charge de St Pierre alors que le dernier quart devait être supporté par la commune de Conjux. Sur ces 6000 livres il fallait déduire les 2000 livres que devait le curé Poguet aux communes pour l’achat des anciens bâtiments de Curtille mis aux enchères en 1838. ………Vers 1844 tout était réglé enfin.
En 1857 le hameau de Curtille comprenait 13 maisons habitées et 3 maisons inhabitées, soit une population totale de 76 personnes. Avec l’aliénation des parcelles occupées par ces bâtiments du culte le « Chef lieu » de la commune allait se déplacer plus au nord, a son endroit actuel.
A partir du milieu du XIX ème siècle, l’église allait être laissée à l’abandon. Vers 1858 la surface église et cimetière allait revenir à un Sieur Claude Guigue, dit « Meysset » , qui en payait la taille comme masure. Pendant ces années plusieurs exploitants agricoles utilisèrent le bâtiment. Dès 1850 la partie jardin avait été vendue à l’amiable à Catherine Goddard, femme Borgel qui devait à son tour la céder à la commune pour la réalisation en 1881 de la voie communale n°3. En 1932 la totalité des 6 ares 30 de la parcelle C/39 fut mutée au folio 617 au profit de Monsieur Percioz.
En 1883 le curé Antoine Poguet prenait sa retraite et se retirait à Curtille à plus de 76 ans. Il fut remplacé par le curé Emile Dunand.
( Documents rassemblés par Jean Mesnil en 1979, par Michèle Brocard en mai 1998 et par Serge Simondin depuis 1983 ).